Le président de Bromont, montagne d’expériences, Charles Désourdy, est reconnu entre autres pour son leadership en matière de développement de produits et d’initiatives en marketing, ainsi que pour son engagement dans l’industrie du ski. Il a notamment participé à la démocratisation du ski pour le rendre plus accessible. Or, on le connait peut-être moins pour sa vision de la gestion des ressources humaines. Son approche à ce chapitre fait pourtant partie des éléments qui contribuent au succès du complexe touristique bromontois.
Bromont, montagne d’expériences
« Bromont », c’est globalement un centre de ski à 7 versants, un réseau de sentiers polyvalents (vélo de montagne, randonnée pédestre, etc.), un parc aquatique et un parc immobilier. Entre 2002 et 2007, la station a grandement développé son offre, notamment en ajoutant cinq versants skiables. Le nombre d’employés permanents est alors passé rapidement de 25 à plus de 100. Si on compte les saisonniers, incluant les patrouilleurs, les moniteurs et les sauveteurs, c’est plus de 1 300 personnes, salariés ou bénévoles, qui contribuent à livrer, directement ou non, les expériences ludiques aux clients : l’équivalent de 400 emplois à temps plein!
Entrevue avec Charles Désourdy
CQRHT : Bromont, montagne d’expériences, c’est beaucoup de travailleurs et de bénévoles. Quels sont les principes qui animent votre gestion du personnel?
Charles Désourdy (CD) : Nous sommes une grande famille. Nous nous appliquons à entretenir la motivation de chacun. Notre valeur dominante est le plaisir au travail. Cette culture d’entreprise a des répercussions positives sur l’expérience vécue par les clients.
CQRHT: Quels moyens utilisez-vous pour appliquer vos principes sur le terrain?
C.D. : Ça commence d’abord par l’attitude. Les gestionnaires, moi compris, sommes au même niveau que tout le monde. Nos relations interpersonnelles se font dans l’écoute et le respect. Je parle avec chacun comme j’aime qu’on me parle. Je réalise que le travail n’est qu’une partie de la vie et je m’intéresse au vécu de mon entourage. Par exemple, quand une employée m’apprend qu’elle est enceinte, je me réjouis sincèrement avec elle de cet événement formidable, sans me soucier des considérations liées au congé maternité.
L’optimisme vient colorer cette attitude. Je cherche toujours l’angle positif. Ainsi, quand il pleut en pleine saison de ski, je rappelle qu’il y a en moyenne 10 jours de pluie par saison : « ça en fait une de moins! ». Il faut savoir aussi que les épisodes de verglas sont particulièrement éprouvants pour le personnel qui déglace, et pour les clients. Il est important de maintenir le moral.
CQRHT: Comment voyez-vous le partage des responsabilités?
C.D. : Chez nous, la délégation de pouvoir est extrême. Chacun à son niveau a l’occasion d’exercer ses responsabilités et de mettre à profit ses compétences. Les employés n’ont pas peur de se faire taper sur les doigts s’ils commettent une erreur. Disposant d’un filet de sécurité, ils sont confiants d’agir au meilleur de leur jugement. Cette autonomisation (« empowerment ») basée sur la confiance réciproque stimule la motivation personnelle. Quand c’est nécessaire, une décision imminente sera annoncée par courriel ou texto aux personnes concernées, qui auront un peu de temps pour réagir, si nécessaire, comme quand il y a urgence d’ouvrir ou de fermer une piste, voire la station au complet. Bien sûr, il y a parfois des ratés. Qu’importe, comme un entraîneur sportif, le superviseur donnera la chance au coureur et utilisera l’erreur pour la corriger, avec comme objectif d’aller chercher le meilleur de tout le monde. Nous consacrons d’ailleurs beaucoup de temps à la formation, notamment de nos moniteurs et de nos patrouilleurs. Dans notre secteur, le ratio formation/heures travaillées est très élevé.
CQRHT: … et le partage de l’information?
C.D. : Je crois beaucoup à la transparence. C’est une condition fondamentale pour établir sa crédibilité et gagner l’adhésion de tous à l’atteinte des objectifs. Par exemple, deux fois par année, nous tenons une rencontre d’au moins 2 heures avec les employés permanents. Nous leur présentons le plan de match : les objectifs, les résultats et les projets d’investissement. Il y a une période de questions, où tout est ouvert. Je suis heureux de constater que depuis 5-6 ans, les participants se sentent de plus en plus à l’aise de poser leurs questions. Le sujet les intéresse d’autant plus que nous avons une politique de partage des bénéfices pour les employés permanents. C’est pourquoi il est important que chacun comprenne la situation.
La circulation de l’information pertinente au quotidien est essentielle à la bonne marche des opérations. Réunions occasionnelles, échanges informels, messages courriel ou texto, autant de moyens de se tenir à jour et de limiter les mauvaises surprises, les incompréhensions, les frustrations. De plus, chaque travailleur dispose d’un manuel de l’employé où il retrouve un ensemble de renseignements pratiques ainsi que les principes fondamentaux de l’entreprise : mission, valeurs, objectifs, etc.
CQRHT: Avez-vous des pratiques pour reconnaître la contribution du personnel?
C.D. : Nous célébrons dans de joyeux « partys ». Deux fois par an, à la fin de la saison, nous réunissons tout le personnel, permanent et saisonnier, ainsi que leurs conjoints et leurs enfants, pour un repas et des activités à l’extérieur sur le site. À la même période, les directeurs de service tiennent une activité de leur choix avec le personnel de leur section, disposant pour ce faire d’une allocation par employé. Nous avons également des sorties printanières pour le personnel permanent. Par exemple, un autobus a amené tout le monde à un souper-croisière sur le lac Magog.
Nous transmettons les commentaires positifs reçus des clients. Ces messages de félicitation sur le « staff » et sur les conditions d’opération ont tendance à augmenter; nul doute que la dynamique croissante des médias sociaux a un impact favorable sur ce phénomène. Les anniversaires de naissance sont communiqués à tout le monde. Les anniversaires de début d’emploi (5, 10, 15 et 20 ans) sont transmis aux collègues proches le jour même et soulignés collectivement une fois par année; une bouteille de champagne autographiée par le président est remise à nos « anciens ». Chacun est important. Une famille de 1300 personnes, ça fait beaucoup de monde à connaître. J’ai à ma disposition un catalogue avec les noms et les photos de tout le monde. Cet album précise la date de naissance, l’ancienneté et le poste occupé. À chaque anniversaire, je tente de saluer la personne sur le terrain, dans la mesure du possible.
CQRHT: Où trouvez-vous l’inspiration pour entretenir et dynamiser votre approche?
C.D. : L’approche que je préconise s’enracine d’abord dans la manière dont j’ai été élevé par mon père : être au même niveau que tout le monde. Je puise également de l’inspiration dans des lectures. J’avais été séduit par la thématique « Candor », de Jack Welch. Plus récemment, « The Likeability Factor », par Tim Sanders, qui conseille de cultiver ses talents émotionnels pour réussir, présente un point de vue que j’aurai grand plaisir à partager avec mes gens.
CQRHT: En terminant, qu’est-ce qui fait la différence à Bromont, montagne d’expériences?
C.D. : Je sais bien que tenir des réunions, partager les bénéfices, etc., sont des pratiques courantes. Je sais aussi qu’elles sont nécessaires, voire essentielles pour assurer de façon durable la vie de l’entreprise, au bénéfice de toutes les parties prenantes : les clients, le personnel, les fournisseurs et les propriétaires. La différence, c’est que chez nous, on a du plaisir à le faire!