Un article paru sur le blogue d’Alain Girard, président de l’Hôtel Château Laurier Québec, a attiré notre attention. Il s’intitule : « Employés heureux, clients heureux : vrai ou faux? » et annonce la mise en place d’une stratégie visant à améliorer l’expérience client. Curieux d’en savoir plus sur la démarche et le « kata d’amélioration », nous avons réalisé une entrevue avec Aude Lafrance-Girard, directrice générale, et Yannick Savard, directeur des ressources humaines de l’entreprise.
CQRHT : Parlons d’abord de votre approche client. L’article de blogue faisait mention d’une nouvelle stratégie que l’Hôtel Château Laurier Québec met présentement en place. De quoi s’agit-il?
Aude Lafrance-Girard : Depuis quelques mois, nous faisons l’expérience d’un outil stratégique, le « kata[1] d’amélioration ». Cette technique a pour objectif d’améliorer, sur une base continue, le processus de l’expérience vécue par les clients en le faisant évoluer vers le niveau désiré. Elle s’appuie sur des comités regroupant des employés volontaires issus de différents services.
Yannick Savard : Ces employés volontaires sont rémunérés lors de leur participation au comité. Nous faisons en sorte que tous les membres soient inscrits à l’horaire cette journée-là.
CQRHT : Comment avez-vous choisi cette approche?
Aude Lafrance-Girard : Nous avons choisi la technique « kata » à partir d’une liste d’outils de travail proposée par les consultants qui nous ont accompagnés dans l’élaboration de notre dernier exercice de planification stratégique. La planification comprend des objectifs avec un horizon de trois ans assortis d’un plan d’action pour une durée d’un an. Ce rythme nous permet d’ajuster plus rapidement le tir au besoin, et de revoir nos priorités en fonction des résultats obtenus et des changements dans notre environnement.
CQRHT : Comment ça fonctionne?
Aude Lafrance-Girard : Le « kata d’amélioration » vise le changement, mais pas de façon drastique. Au lieu d’imposer un virage à 180o, ce procédé opère par petits pas graduels et pratiquement sans éclat. Les actions proposées par les membres du comité sont expliquées aux employés du service concerné, lesquels participent à leur expérimentation et leur évaluation en toute connaissance de cause. Cette façon de faire favorise l’adhésion et la mobilisation des employés concernés, et atténue grandement les résistances normales au changement.
CQRHT : Quel est le rôle du consultant dans l’implantation de cette technique?
Aude Lafrance-Girard : Nous ne sommes pas accompagnés au jour le jour. La technique m’a d’abord été montrée dans un premier temps. Par la suite, une formation a été donnée à l’ensemble des gestionnaires de l’organisation. Lors du démarrage d’un nouveau projet utilisant le « kata », je forme moi-même le gestionnaire du projet afin de m’assurer de sa bonne compréhension. Par la suite, je fais des suivis réguliers avec lui afin de valider l’état d’avancement d’un projet.
CQRHT : Est-ce que la mise en place de la technique « kata » a répondu à vos attentes?
Aude Lafrance-Girard : La première thématique retenue pour expérimenter le « kata » porte sur l’expérience client, un objectif important de notre planification stratégique. Comme il s’agit de l’implantation graduelle d’une série de changements à petite échelle, il est encore trop tôt pour dévoiler les détails sur le processus ou les résultats. Au final, nous nous attendons à de gros changements au niveau de l’expérience client. Entretemps, nous sommes très confiants dans la capacité de l’outil à soutenir l’amélioration continue, et nous comptons l’appliquer à l’atteinte d’autres objectifs stratégiques, avec le support de notre personnel.
CQRHT : Dans son blogue, M. Girard écrivait : Mon expérience me démontre que, plus nos employés sont heureux dans leur emploi, plus l’expérience client sera positive. Mais comment rendre nos employés heureux? » Comment ça se passe chez vous?
Aude Lafrance-Girard : Comme l’écrivait mon père, « pour nous, la communication avec nos employés est fondamentale ». La technique «kata» en est un exemple : ce sont les employés qui sont en première ligne, tant au niveau de l’analyse, de la stratégie que de l’expérimentation et de l’évaluation. Nous favorisons la proximité des directeurs et des superviseurs avec le personnel.
CQRHT : Comment cela se vit-il au quotidien?
Aude Lafrance-Girard : Nous multiplions les occasions d’échanger entre nous. Par exemple, il y a plusieurs années, mon père a initié « la pause du DG ». Il s’agit d’un événement qui se tient aux deux mois, où les employés disponibles et intéressés participent à une rencontre d’une durée de 30 minutes au cours de laquelle j’en profite pour communiquer de l’information, stimuler les troupes, mentionner les bons coups (individuels et collectifs) et les moins bons (collectifs), et pour recevoir des commentaires. Une collation est servie. Un rapport à tous est produit par la suite. Dans les services où une présence continue doit être assurée, les employés alternent entre eux d’un rendez-vous à l’autre.
Nous avons également nos « 5 à 7 » saisonniers. Avant et après la haute saison estivale, soit au printemps et à l’automne, nous invitons tout le monde à socialiser ensemble à l’hôtel. Chacun a droit à deux consommations. Pas de discours, seulement des échanges informels. Dans le temps des Fêtes, nous avons la soirée des Fêtes, ainsi que le Noël des enfants, qui réunit les employés et leur famille.
Autre exemple de proximité, j’ai commencé récemment à tenir mes réunions d’opération avec les différents directeurs de service dans leurs bureaux respectifs, au lieu de les convoquer dans mon bureau. Ce simple geste a été remarqué et apprécié par le personnel des différentes unités; ils me voient plus proche d’eux et en retirent un sentiment d’importance. Cette idée m’est venue lors d’une rencontre de mon club de chefs d’entreprise : un autre petit pas qui fait du chemin.
CQRHT : Comment se fait le lien entre employés heureux et clients heureux?
Yannick Savard : Les valeurs de l’organisation découlent de l’esprit de famille. Elles comprennent le respect, la passion, le plaisir et le travail d’équipe. Nous recherchons des employés qui partagent ces valeurs et qui ont le désir de servir, de venir en aide aux clients. C’est pourquoi nous recrutons non seulement sur la base des compétences, mais également de la compatibilité avec nos valeurs. Nous le vérifions d’abord lors des entrevues d’embauche, et nous le validons ensuite au besoin sur le plancher : ça se voit facilement dans la façon dont un employé se comporte avec les clients aussi bien qu’avec ses collègues. L’appropriation des valeurs est aussi encouragée et renforcée lors des évaluations annuelles.
Ceci étant, l’employé jouit d’une liberté d’action à l’intérieur d’un cadre élargi. Nous pratiquons l’uniformité plutôt que la standardisation. Par exemple, nous ne lui imposerons pas une formule ou une procédure pour telle étape dans le service du client. Sachant qu’il doit agir, il pourra aller au-devant des clients et prendre des initiatives; il pourra le faire de façon authentique, selon sa personnalité.
CQRHT : En terminant, pouvez-vous nous dire, Mme Lafrance-Girard, quelle est votre vision du rôle de DG dans l’expérience-client?
Aude Lafrance-Girard : Mon rôle en tant que DG est de communiquer et d’exprimer clairement ma vision personnelle de l’expérience client afin de mobilier les employés à cette vision. Pour être un bon leader, il faut selon moi inspirer la confiance; c’est pourquoi je dois être la première ambassadrice de notre expérience client. Il faut également que je m’assure du bien-être des employés, du fait qu’ils soient heureux chez nous, afin de maintenir cette mobilisation.
[1] « Kata » est un terme japonais désignant une forme dans les arts martiaux japonais.