On m’a invité à agir à titre d’experte en matière d’expérience client du blogue du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT). Afin de bien cerner ce que signifie le terme et surtout pour se placer tous sur la même longueur d’onde, je vous propose cet essai. Il s’agit d’un texte explicatif portant sur l’expérience client destiné aux lecteurs des billets diffusés sur le blogue en question.
Bienvenue à l’ère de l’économie « d’expérience »
En fait, bienvenue en août 1998. Dans un article intitulé « Welcome to the Experience Economy » publié dans le célèbre Harvard Business Review il y a maintenant presque vingt ans, Joseph Pine II et James H. Gilmore démontrent que d’une économie de commodités, nous étions passés à une économie de biens, à une économie de services pour finalement se retrouver, à la fin du millénaire, dans une économie d’expérience.
En introduction de leur article, Pine et Gilmore font une analogie simple qui illustre bien leur propos. Voici une traduction libre de cette introduction :
« Comment les économies changent-elles? Toute l’histoire du progrès économique peut être récapitulée dans l’évolution en quatre étapes du gâteau d’anniversaire. Comme vestige de l’économie agraire, les mères faisaient des gâteaux d’anniversaire à partir de zéro, mélangeant les produits agricoles (farine, sucre, beurre et oeufs) qui, ensemble, coûtaient seulement quelques sous. Au fur et à mesure que l’économie industrielle axée sur les biens progressait, les mères payaient un dollar ou deux à Betty Crocker pour les ingrédients prémélangés. Plus tard, lorsque l’économie des services a pris place, les parents occupés commandent des gâteaux de la boulangerie ou de l’épicerie, qui, à 10 $ ou 15 $, coûtent dix fois plus que les ingrédients emballés. Maintenant, dans les années 1990, en pénurie de temps, les parents ne font pas le gâteau d’anniversaire et n’organisent même pas la fête. Au lieu, ils dépensent 100 $ ou plus pour «donner en impartition» l’événement entier à (…) une entreprise qui organise un événement mémorable pour les enfants. Le gâteau est souvent offert gratuitement si on réserve à l’avance. Bienvenue dans l’économie émergente de l’expérience. »
Selon les auteurs en question, la prochaine bataille concurrentielle se situe dans la mise en scène d’expériences. Mais rappelons-nous, c’était en 1998 !
Qu’en est-il des entreprises touristiques?
Ironiquement, Pine et Gilmore s’inspirent entre autres des valeurs de Disney, attrait touristique reconnu mondialement et grand maître de l’entertainement pour qui l’expérience a toujours été au cœur du modèle d’affaires, particulièrement dans la gestion des parcs d’attractions. Selon le concept d’économie d’expérience, les employés deviennent des acteurs et les clients, ou invités, comme Disney et plusieurs entreprises touristiques les désignent, des spectateurs.
Je dis « ironiquement » puisque la théorie de l’économie de l’expérience est inspirée du modèle d’une entreprise touristique reconnue dans notre industrie. Or, ce sont surtout les entreprises issues du commerce de détail qui ont été les premières à entrer dans cette nouvelle ère en calquant les meilleures pratiques de Disney pour vendre leurs produits. Et ce, bien avant que beaucoup d’entreprises touristiques ne le fassent elles-mêmes!
Beaucoup d’entreprises touristiques ont pris du retard quant à la mise en pratique du concept d’expérience client alors qu’il devrait constituer le fondement de leurs opérations. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour revoir la scénarisation de l’expérience client dans votre entreprise. Et bonne nouvelle, il est possible d’appliquer à petite échelle, souvent sans frais ajoutés, la recette à des PME.
Étude du cas du commerçant de détail David’s Tea
En 2015, la firme de recherche Léger a mené une étude auprès des clients de 143 détaillants québécois afin de découvrir lesquelles avaient la cote en matière d’expérience client. Les résultats publiés sur le site d’Infopresse placent David’s Tea au sommet de la liste avec un score de plus de 96 points se qualifiant amplement dans la catégorie « wow !!! » établie par la firme de sondage.
Ainsi, pour un exemple concret et récent dans le commerce de détail prenons le cas de David’s Tea qui, rappelons-le, est une entreprise québécoise fondée en 2008. Dès que l’on entre dans une des boutiques de ce commerçant de thé, l’expérience débute : accueil irréprochable et chaleureux des employés, décor épuré et complètement zen, odeurs enivrantes, etc. En passant à la caisse, on n’y achète pas de simples feuilles de thé. On se procure la promesse de revivre, à chaque fois qu’on prépare une tasse de cette boisson chaude, une expérience similaire à celle vécue en magasin. Pas de boutique David’s tea à proximité de chez vous? Pas de panique ! Le site web de l’entreprise est conçu pour faire vivre à l’internaute la même expérience qu’en magasin. D’ailleurs, l’histoire racontée dans la section « À propos de nous » a été placée sur une page dont l’adresse inclut le mot « expérience ». Subtil, mais tout à fait attendu d’une entreprise dont la stratégie, gravée dans son ADN, est largement basée sur les concepts de l’expérientiel.
Aujourd’hui, à quoi s’attendent les voyageurs en matière d’expérience client?
Le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) a conçu ce graphique montrant l’évolution de l’expérience client au cours des 25 dernières années. Je considère qu’il conceptualise très bien où nous en sommes.
Aujourd’hui, au-delà de l’accueil cordial et de la distribution d’informations, les voyageurs s’attendent à beaucoup plus de la part des employés des entreprises touristiques. Ils souhaitent des conseils personnalisés et des recommandations de services selon leurs besoins que l’on doit, idéalement, savoir anticiper! Il ne faut surtout pas s’arrêter là! Les voyageurs qui désirent passer à l’action et acheter un service touristique doivent être en mesure de le faire facilement, sans tracas.
Récapitulons l’évolution du service client :
Dans les années 90, le service à la clientèle consistait à accueillir le client, lui donner des informations, répondre à ses questions et le remercier. Il s’agit là de la base, du minimum requis pour répondre aux attentes des clients;
Dans les années 2000, on parlait davantage de relation client où on commence à « s’intéresser » davantage à ce dernier. Il était question de séduire le client. C’est à ce moment qu’on a commencé à parler de service WOW!;
Depuis 2010, les entreprises devraient être en mesure de proposer du service-conseil auprès de ses clients. Combiné à la qualité des infrastructures, c’est en atteignant ce niveau de service que le Québec réussira à se positionner comme étant une destination touristique originale et distinctive en matière d’expérience client. Les voyageurs d’aujourd’hui s’attendent à une expérience authentique, originale, personnalisée, complète et intégrée. Ils cherchent même à participer ou à cocréer cette expérience. Nous aurons l’occasion de définir ces termes au cours des prochaines publications.
Vous souhaitez en savoir plus sur l’expérience client? Quelques recherches sur le web et vous trouverez, entre autres, ces articles pour vous aider à passer à l’action, pour ajuster la scénarisation de l’expérience que vous offrez ou pour vous réconforter dans ce que vous faites déjà bien.
Plusieurs articles du Réseau de veille en tourisme portant sur l’expérience client;
Le site internet de David’s Tea (consulté en janvier 2017);
Industrie Canada. Commission canadienne du tourisme: Définir le produit touristique de demain – la forfaitisation d’expériences.
Paquin, Benoit et Normand Turgeon. « La clientèle et le facteur wow! », Téoros, été 2004, p. 22-33
Lugosi, Peter J.R. et Ritchie, Brent The tourism and leisure experience, 2010, edition Micheal Morgan;
Le fameux article déclencheur portant sur la nouvelle économie d’expérience: Pine II, Joseph et James Gilmore. «The Experience Economy», Harvard Business School Press, JULY-AUGUST 1998 ISSUE;
Je vous invite aussi à lire les prochains articles que je vais rédiger sur le sujet!
Bon spectacle!